Du Nord au Sud, dans les villes et les villages, dans l’espace public des médinas comme dans l’intimité des maisons, femmes et hommes ont toujours tissé et de brodé le fil, et tressé les fibres naturelles en prélevant, à même le paysage qui les entoure, laine naturelle, alfa, jonc de mer, feuilles de palmier… De leurs gestes pluriséculaires naissent des objets dont la richesse et la variété des matières, des couleurs et des motifs correspondent à des savoir-faire et des techniques diverses qui dessinent des spécificités territoriales.
Au travers de leurs pratiques artistiques propres, les artistes ont développé chacun·e une approche singulière creusant les dimensions plurielles — esthétique, écologique, politique, géographique, économique, sociale — d’un patrimoine immatériel dont l’histoire non linéaire est marquée d’influences, d’évolutions et de ruptures. Explorer la tradition artisanale a offert aux artistes un terrain d’expérimentation fertile leur permettant aussi de se connecter au faire, au geste de la main, à la matière et, plus largement, à la nature et à l’histoire. Pour répondre aux nouveaux enjeux qui se sont présentés à eux, les artisan·e·s n’ont pas hésité à délaisser leurs habitudes en se risquant au nécessaire « pas de côté », affirmant une créativité sans cesse renouvelée.
Créer la possibilité de nouer un dialogue entre artiste et artisan·e, repousser les limites de périmètres consacrés, poser la question de la collaboration autour du faire ensemble tel est le fil conducteur qui réunit les œuvres présentées ici. Alors que les savoirs continuent de se transmettre et de se réinventer, les gestes se répètent à l’infini pour préserver une mémoire collective toujours vivace, comme en témoigne l’exposition Hirafen dont la pluralité des voix qui la compose ne fait que prolonger le récit.
Ludovic Delalande -Commissaire de l’exposition